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Repenser la Sécurité sociale face aux risques sociaux et écologiques : l’étude PRETS

Repenser la Sécurité sociale face aux risques sociaux et écologiques : l’étude PRETS

Le monde change et le Pacte social conclu en 1944 en vue de créer une Sécurité sociale couvrant les risques de chômage, de maladie et d’invalidité, instaurant une retraite pour les travailleurs et des allocations familiales, se doit aujourd’hui d’être revisité.

Publié le 03/10/2025
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D’une part, les risques évoluent, aux risques sociaux traditionnels, s’ajoutent des risques socio-écologiques dépendants d’aléas qui se produiront avec une plus grande occurrence à l’avenir (comme les sècheresses) ou de phénomènes progressifs (comme la montée du niveau des océans ou le développement des espèces invasives en raison des changements climatiques), avec des conséquences parfois vitales sur les populations, en particulier les plus vulnérables.

D’autre part, il s’agit de trouver le moyen d’émanciper le système de protection sociale de sa dépendance à la croissance économique et au productivisme qui, eux-mêmes, sont à l’origine des bouleversements écologiques et sociaux, verrouillant ainsi toute perspective de transformation ambitieuse des modes de production et de consommation.

Dans ce contexte, l’accent doit également être mis sur la prévention des risques et sur l’anticipation afin de prévenir notamment les dérapages budgétaires qui résulteraient d’une politique axée essentiellement sur la réparation et la gestion de crise, comme c’est le cas actuellement.

Voici, en très résumé, les hypothèses de départ de l’étude PRETS « Construire une protection sociale-écologique pour la Belgique » rédigée pour le SPF Sécurité sociale en février 2025 dans le cadre d’une collaboration entre des chercheurs de l’ULB, l’UC Louvain et Sciences Po Paris.

Selon les auteurs, les risques sociaux écologiques sont de deux ordres : les risques directs causés par les événements extrêmes comme les inondations ou les canicules, mais aussi les risques indirects découlant des conséquences sociales des politiques environnementales. On pense ici aux obligations de rénovation énergétique du logement, à l’interdiction progressive des véhicules à moteur à combustion interne ou encore à la taxe carbone, mesures qui pèsent davantage sur les ménages précarisés qui n’ont pas les moyens de s’adapter aux nouvelles normes et réglementations.

On pense aussi à la hausse des prix consécutive aux potentielles pénuries liées aux mauvaises récoltes ou aux reconversions professionnelles auxquelles auront à faire face les travailleurs des secteurs économiques appelés à disparaître ou à évoluer, car dépendant des énergies fossiles.

Quant aux conséquences sur l’individu, elles dépendent de l’ampleur de son exposition aux différents aléas, mais aussi de sa faculté d’adaptation et de sa sensibilité.

Le schéma ci-dessous synthétise les déterminants des risques socio-écologiques :

Une image contenant texte, diagramme, capture d’écran

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Qui plus est, il n’y a pas que les individus qui soient vulnérables, les institutions également peuvent se retrouver en difficulté comme lors de la crise du COVID-19 ou de la crise énergétique de 2021, ou encore face à la désinformation.

Il s’agit maintenant, de facto, de se préparer réalistement à un changement de paradigme plutôt qu’à rester dans le déni d’un futur qui sera inévitablement différent en restant accroché à une vision du monde aujourd’hui dépassée.  

Parmi les recommandations du rapport figure notamment la création d’une nouvelle branche de la Sécurité sociale destinée à couvrir les risques sociaux-écologiques, mais pas seulement.

Sept recommandations clés sont avancées pour institutionnaliser la protection sociale écologique en Belgique, toutes basées sur la démocratisation de la prise de décision et une plus grande participation de tous les acteurs concernés.

Intéressons-nous, plus particulièrement, aux mesures relatives à l’emploi.

Dans un contexte dans lequel un certain nombre de secteurs liés aux énergies fossiles sont appelés à décliner ou à se réinventer, les auteurs estiment indispensable d’aider les travailleurs à s’orienter vers des filières compatibles avec la transition écologique telles que les énergies renouvelables, la rénovation énergétique des bâtiments, l’économie circulaire, le secteur du soin aux personnes (care) ou encore l’agriculture biologique.

À cette fin, les auteurs suggèrent différentes pistes :

  • La reconnaissance d’un droit à la requalification et à la formation ;
  • L’intégration de la formation aux métiers contribuant à la transition juste dans toutes les politiques d’activation ;
  • La réduction des cotisations sociales afin d’encourager l’embauche dans les secteurs d’intérêt social-écologique ;
  • L’élargissement des possibilités de congés permettant de dégager du temps non productif pour des engagements citoyens, sociaux ou écologiques ;
  • Les travailleurs souhaitant se reconvertir dans des métiers liés à la transition juste pourraient également bénéficier de la création d’un revenu de transition.

Bien évidemment, ces mesures doivent s’accompagner de conditions de rémunération et de travail attractives pour les métiers concernés et d’un investissement conséquent dans toute une série de services publics comme les transports ou l’éducation dans le cadre de politiques publiques qui promeuvent un modèle de société inclusif et solidaire.

Tout ceci peut sembler utopique dans un contexte où les gouvernements chez nous, mais partout en Europe, remettent en question le calendrier des politiques climatiques et coupent dans les budgets sociaux. Il n’en reste pourtant pas moins que des réflexions et des expériences pilotes sont en cours.

Des initiatives se développent ailleurs

Le Sénat français a adopté en 2022 un rapport intitulé « Construire la Sécurité sociale écologique du XXI siècle » dans lequel il préconise 48 propositions autour de quatre axes : « pour guérir la Sécurité sociale de sa myopie et répondre à l'émergence des nouveaux risques et à un besoin de protections renouvelé, pour mieux intégrer la prise en compte des risques climatiques dans le modèle de financement de la protection sociale, pour anticiper dans notre modèle de protection sociale les transformations de l'emploi, pour concrétiser le droit à une alimentation saine et poser ainsi la première pierre d'une Sécurité sociale écologique ».

Dans le même ordre d’idée, le canton de Vaud en Suisse a développé un projet pilote de revenu de transition écologique pour les personnes qui n’ont plus ou pas droit à des indemnités après une perte d’emploi (bénéficiaires du revenu d’intégration (RI)).

Ce projet vise un double objectif à la fois social et écologique : encourager les activités en lien avec la transition et assurer l’insertion (et même l’épanouissement) des citoyens précarisés.

Le dispositif se structure selon trois catégories d’acteurs bénéficiaires du revenu de transition écologique (RTE) :

  • Les personnes dépendant du RI qui s’engageraient dans des emplois au sein d’activités entrepreneuriales existantes ou en développement ;
  • Les personnes dépendant du RI qui développeraient leur propre activité ;
  • Les entrepreneurs porteurs de projets d’activités de transition écologique.

À terme, le dispositif pourrait être financé par un fonds de transition alimenté par les finances publiques et par des fonds privés.

Il s’inscrit à la fois dans le cadre des objectifs climatiques du Canton de Vaud de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre de 50 à 60 % en 2030 et de l’Agenda 2030 des Nations Unies.[1]

En comparaison de la diminution de 18 % du PIB mondial liée à l’inaction climatique, ce type d’initiative s’inscrit dans la droite ligne d’une transition écologique, socialement juste et créatrice d’emplois de qualité.

Comme le souligne l’étude PRETS, c’est la contagion de plusieurs projets, réflexions, initiatives qui feront peut-être basculer le modèle dominant vers d’autres visions du monde.

Pour en savoir plus :

Étude PRETS : https://climat.be/actualites/2025/l-etude-prets-protections-et-risques-sociaux-ecologiques-en-transition

Rapport « Construire la Sécurité sociale écologique du XXI siècle : https://www.senat.fr/rap/r21-594/r21-594.html

Étude pour le développement d’un projet pilote de revenu de transition écologique (RTE) dans le canton de Vaud : https://www.eper.ch/sites/default/files/documents/2023-05/Synthe%CC%80se%20Etude%20RTE%20VD%20mai%202023_1.pdf

 

 



[1] L'Agenda 2030 est un programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté en septembre 2015 par les 193 États membres des Nations Unies. Il fixe 17 objectifs de développement durable (ODD) qui couvrent l'ensemble des enjeux du développement durable (climat, biodiversité, eau, énergie, mais aussi paix, éducation, égalité des genres, etc.).

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