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Lutte contre l’ultra fast fashion : que fait la Belgique ?

Lutte contre l’ultra fast fashion : que fait la Belgique ?

L’industrie textile est responsable de près de 10 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial, soit plus que les secteurs du transport aérien et maritime réunis, et est un des plus grands consommateurs d’eau au monde. La fabrication d’un t-shirt en coton nécessite jusqu’à 2700 litres d’eau, pour un jean la consommation passe à 7 500 litres.

Publié le 10/06/2025
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On considère que, du champ de coton au magasin, un jean peut parcourir jusqu’à 65 000 km, soit une fois et demie le tour de la Terre.[1] Qui plus est, les teintures et traitements chimiques utilisés polluent les eaux de surface, contribuent à la destruction des écosystèmes et sont souvent toxiques pour la santé.

Rien qu’en Europe, c’est plus de 4 millions de tonnes de déchets vestimentaires qui finissent chaque année à la poubelle. 

Selon l’ADEME, la majorité des impacts environnementaux de nos vêtements découle de leur entretien (lavage et séchage). Chaque année, 500 000 tonnes de microparticules de plastiques non-biodégradables se retrouvent ainsi dans les océans, soit l’équivalent de 50 milliards de bouteilles en plastique.[2]

Ne nous voilons pas la face, la plupart des vêtements en vente sur le marché sont issus de la fast fashion. Leur fabrication s’effectue, le plus souvent, dans des conditions sociales inacceptables : salaires incompatibles avec une vie décente, horaires de travail à rallonge, travail forcé, travail des enfants, exposition à des substances toxiques, etc.

Mais il y a pire encore. Au sein de la fast fashion, explose l’ultra fast fashion dont le fer de lance sont les enseignes Shein et Temu. Shein met en moyenne 8 000 nouveaux modèles par jour sur le marché, contre environ 500 par semaine pour Zara.[3] Le chiffre d'affaires global de la marque a progressé d’un milliard de dollars en 2016 à plus de 30 milliards de dollars en 2023.[4] L’évolution pour l’autre géant de la fast fashion Temu est comparable.

Pour faire face à cette invasion, la France étudie actuellement un projet de loi visant à lutter contre l’ultra fast fashion.[5]

Dans les grandes lignes, le texte vise à inciter les consommateurs à privilégier une consommation responsable et à responsabiliser davantage les producteurs.

Il propose notamment :

-          une définition de l’ultra fast fashion basée sur le dépassement d’un seuil de nouvelles références ;

-          l’affichage d’un éco-score aux produits textiles en fonction de leur impact environnemental ;

-          la détermination d’une trajectoire d’écocontribution qui impacterait les produits de manière croissante pour atteindre 10 euros par produit en 2030 sur base de la durabilité des pratiques commerciales ;

-          un meilleur encadrement de la publicité et une interdiction de la promotion de la fast fashion par les influenceurs.

Le projet est critiqué par les entreprises françaises de textile notamment, car il n’impacte que l’ultra fast fashion, et encore, de manière relativement modérée. Les enseignes habituelles de fast fashion sont considérées selon les auteurs du texte comme répondant aux besoins des consommateurs et contribuant à la vitalité des centres-villes. Par ailleurs, l’interdiction totale de la publicité n’a pas été retenue en raison d’une éventuelle incompatibilité avec la notion de liberté d’entreprendre. Le texte n’en constitue pas moins, s’il est adopté, une certaine avancée qui n’existe pas en Belgique.

En particulier, il n’existe pas encore chez nous de responsabilité élargie des producteurs de textiles. Si celle-ci est prévue par le décret du 9 mars 2023 relatif aux déchets, à la circularité et à la propreté publique, l’accord de coopération interrégional concernant la responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les déchets textiles, adopté en seconde lecture par le Parlement wallon a fait l’objet d’un recours en annulation partielle auprès de la Cour constitutionnelle qui a rendu son arrêt le 11 avril 2024. Cet arrêt a notamment annulé les dispositions du décret qui définissaient la notion de producteurs soumis à la REP.

Par ailleurs, la plupart des mesures prévues par le projet français relèvent du niveau fédéral et ne peuvent être directement mises en œuvre par la Wallonie. La sensibilisation des consommateurs repose donc essentiellement sur les initiatives d’associations militantes ou des acteurs de l’économie sociale.

Dans les faits, l’action la plus efficace pour lutter contre les déchets textiles serait l’allongement de la durée de vie des vêtements. Une industrie textile durable reposerait idéalement sur une sobriété de la part des consommateurs. Pour respecter les objectifs climatiques, il faudrait, selon une étude du think tank Hot and Cool Institute, se limiter à 5 vêtements neufs par an et par personne.[6]

On pourrait se dire que, quand même, la seconde main contribue à cet objectif d’allongement de la durée de vie. Est-ce bien le cas ?

Malheureusement pas. C’est ainsi qu’en pratique, la réutilisation débouche, par effet rebond, sur une accélération du caractère jetable des vêtements en favorisant notamment les achats compulsifs.

Quant aux vêtements usagés faisant l’objet d’une collecte sélective par les sociétés commerciales qui ne relèvent pas de l’économie sociale, leur tri est bien souvent réalisé dans les pays du Sud comme le Ghana, où 15 millions de vêtements déposés dans les conteneurs à textiles sont acheminés chaque semaine et finissent en grande partie dans des décharges à ciel ouvert.

Reste le recyclage des textiles usagés qui peut jouer un rôle. Pour citer un exemple, l’entreprise Dagobaire, de l’autre côté de la frontière, recycle les textiles usagés pour les transformer en fibres afin de fabriquer de nouveaux fils ou de l’isolant pour le bâtiment. L’entreprise intègre aussi une dimension sociale à travers une politique de diversité visant à proposer des opportunités professionnelles aux travailleurs migrants politiques ou climatiques.

Néanmoins, il faut reconnaître que le problème est complexe et les solutions proposées agissent à trop petite échelle pour constituer une réponse efficace en l’absence d’une réglementation contraignante. Règlementation qui aurait aussi l’avantage de permettre le développement d’une industrie textile locale pourvoyeuse d’emplois de qualité et non-délocalisables, ce qui actuellement est très difficile en raison de la concurrence des pays à bas salaire et du nœud logistique que représente la Belgique, et en particulier la Wallonie.

Enfin, il faut reconnaître que le succès de la fast fashion est aussi lié au fait que la plupart des consommateurs ont difficilement les moyens financiers de s’habiller avec les marques qui proposent des vêtements respectant un cahier des charges basé sur des critères écologiques, sociaux et éthiques alors qu’ils sont submergés d’injonctions liées à la mode.

 



[1] https://www.bep-environnement.be/actualites/serd-industrie-textile-pollution/#:~:text=Le%20transport&text=On%20consid%C3%A8re%20que%20du%20champ,gaz%20%C3%A0%20effet%20de%20serre.

[2] https://www.ceseau.org/pollution-domestique-et-alternatives/eau-pollution-vetements-textile/#:~:text=Selon%20l'ADEME%2C%20elle%20mobiliserait%20%C3%A9galement%20pr%C3%A8s%20de,des%20ressources%20d'eau%20potable%20de%20la%20plan%C3%A8te.&text=Finalement%2C%20la%20fabrication%20d'un%20t%2Dshirt%20repr%C3%A9sente%20en,l'%C3%A9quivalent%20de%2070%20et%20285%20douches%20!

[3] https://bonpote.com/shein-la-marque-dultra-fast-fashion-qui-envahit-le-monde/#:~:text=Avec%20pr%C3%A8s%20de%208%20000%20nouveaux%20designs,de%20nos%20%C3%A9cosyst%C3%A8mes%20et%20de%20notre%20sant%C3%A9.&text=L%C3%A0%20o%C3%B9%20une%20marque%20de%20mode%20conventionnelle,mod%C3%A8les%20par%20an%20et%20Zara%20propose%20500

[4] https://fr.statista.com/statistiques/1375832/shein-chiffre-affaires-mondial/#:~:text=Shein%20:%20chiffre%20d'affaires%20mondial%20estim%C3%A9%202016%2D2023&text=Ce%20graphique%20pr%C3%A9sente%20l'estimation,%C3%A0%205%20milliards%20de%20dollars.

[5] https://www.senat.fr/actualite/fast-fashion-reduire-limpact-environnemental-de-lindustrie-textile-5267.html

[6] https://www.rtbf.be/article/cinq-vetements-neufs-par-an-une-solution-pour-lutter-contre-la-fast-fashion-et-sauver-la-planete-11314908

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