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Data centers : La Belgique se dirige-t-elle droit vers une crise énergétique orchestrée ?

Data centers : La Belgique se dirige-t-elle droit vers une crise énergétique orchestrée ?

La Belgique s’est longtemps félicitée d’attirer sur son sol les infrastructures numériques des géants du cloud. Pourtant, en coulisses, une question dérange de plus en plus : les data centers sont-ils en train de devenir un fardeau que le réseau électrique belge ne pourra plus porter ? Car derrière l’image lisse de l’économie numérique se cache une réalité plus brute : des installations très gourmandes en électricité, des besoins qui explosent, et une planification publique qui peine à suivre.

Publié le 05/12/2025
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Un appétit énergétique qui dépasse les prévisions

En 2024, les data centers belges ont consommé environ 3,2 TWh, soit 4 % de la consommation nationale d’électricité, le double de la moyenne européenne.
Le rapport du BCG (firme de consulting) l’affirme : leurs besoins pourraient tripler d’ici 2035. Si rien ne change, ces infrastructures représenteront bientôt un dixième de la consommation du pays, peut-être même davantage avec l’essor incontrôlé de l’intelligence artificielle.
Pourtant, la Belgique continue d’accorder permis et terrains comme s’il s’agissait de simples entrepôts logistiques.


Les autorités, trop enthousiastes, pas assez vigilantes
Depuis quinze ans, les gouvernements successifs déroulent le tapis rouge à Google, Microsoft et consorts : fiscalité stable, terrains bon marché, accès privilégié au réseau. Résultat : un déséquilibre territorial marqué avec une forte concentration des data centers en Flandre, mais la Wallonie entre désormais dans la danse.


La Wallonie, nouvel eldorado numérique… et possible source de vulnérabilité

  • La région Wallonne accueille aujourd’hui plusieurs des sites majeurs du pays.
  • Le campus de Google à Saint-Ghislain (Hainaut) — l’un des plus grands du pays — consomme un million de mètres cubes d’eau par an pour ses systèmes de refroidissement. Cela équivaut à la consommation annuelle d’environ 10 700 ménages.
  • Le site de Saint-Ghislain a déjà attiré des investissements massifs — le groupe investit 5 milliards d’euros d’ici 2027 pour son extension.
  • Sur le plan de l’emploi, Google annonce plusieurs centaines de postes directs : le site de Saint-Ghislain emploie environ 600 personnes, l’extension en cours devant créer 300 emplois supplémentaires.
  • Par ailleurs, le groupe projette l’installation de trois nouveaux “méga data centres” sur le parc industriel Ecopôle de Farciennes (communes de Farciennes, Aiseau-Présles, Sambreville) : un projet d’envergure avec des centaines de milliers de m², validé sous conditions environnementales strictes.
  • Pour ces futurs centres, Google s’est engagé à ce que 90 % de l’énergie consommée soit décarbonée d’ici 2025, 95 % d’ici 2030, et prévoit l’installation de panneaux photovoltaïques couvrant jusqu’à 200 000 m².

 

Mais l’énergie et l’environnement wallons risquent d’être mis à l’épreuve

Cette forte concentration en Wallonie pose des questions concrètes : le réseau électrique régional pourra-t-il absorber l’afflux de consommation ? La gestion de l’eau, déjà sollicitée à Saint-Ghislain, est-elle durable ? Peut-on concilier expansion numérique et objectifs de transition énergétique ?

En l’état, même si les permis accordés à Farciennes comportent des exigences (énergie verte, refroidissement par air, panneaux solaires, mobilité douce pour les employés…), ces engagements suscitent des doutes sérieux quant à leur capacité réelle à neutraliser l’impact énergétique global.
De plus, l’arrivée de ces méga-infrastructures en Wallonie transforme la région en un point central de pression sur les ressources, un rôle que peu avaient anticipé jusqu’à présent, et qui pourrait rendre le territoire vulnérable à des arbitrages difficiles entre développement économique et durabilité environnementale.

Cette logique attire le numérique, certes, mais sans bilan clair :
• Les emplois créés restent modestes comparés à l’ampleur des investissements et bénéfices espérés.
• Les bénéfices fiscaux et économiques pour la région sont discutables, notamment si l’on compare à la consommation réelle d’énergie et d’eau.
• L’impact énergétique et environnemental, lui, devient colossal.

Le pays, et tout particulièrement la Wallonie, semble avoir privilégié les annonces politiques à court terme au détriment d’une vision énergétique et écologique cohérente.


Un réseau électrique et environnemental wallon qui n’est peut-être pas prêt

La transition énergétique impose déjà des défis gigantesques : électrification du chauffage, voitures électriques, réduction des émissions… Ajouter des méga-infrastructures numériques dans cette équation sans redimensionner sérieusement le réseau relève de la témérité.

Elia et d’autres opérateurs alertent depuis plusieurs années sur les risques de saturation, non seulement en Flandre ou autour de Bruxelles, mais aussi dans les zones comme le Hainaut.
Dans le contexte wallon, ceci pourrait se traduire par des arbitrages défavorables pour des projets industriels ou résidentiels, si l’énergie est prioritairement allouée aux data centers.


Un modèle économique wallon à haut risque

Derrière l’expansion des data centers se cache un paradoxe :

  • Ce sont des infrastructures privées,
  • alimentées par une énergie produite collectivement,
  • dont les besoins croissants risquent de déséquilibrer un système déjà sous tension.

Pour couronner le tout, la promesse des géants du numérique - “création d’emplois”, “relance économique” - apparaît peu crédible quand on sait que même des data centers très volumineux emploient souvent un nombre réduit de personnes.

À l’heure où les pouvoirs publics demandent aux citoyens de consommer moins, de réduire leur chauffage ou de différer le chargement de leur véhicule, la consommation exponentielle des data centers, particulièrement en Wallonie, laisse un goût amer.


Des solutions briques après briques… mais sans vision globale

Quelques pistes émergent, mais aucune ne compense réellement l’absence d’une stratégie globale et contraignante :

  • La récupération de chaleur reste marginale et difficile à déployer à grande échelle.
  • Les énergies renouvelables dédiées peinent à suivre le rythme de la demande.
  • Les normes d’efficacité énergétique et environnementale ne sont pas assez contraignantes, ou faiblement appliquées.
  • Le contrôle démocratique et réglementaire de ces infrastructures reste largement insuffisant.

Sans cadre réglementaire ferme, les opérateurs numériques avancent selon leurs priorités — qui ne sont pas nécessairement celles du bien commun ou de l’intérêt énergétique national.


Le vrai enjeu : qui décide de l’avenir énergétique (et territorial) de la Wallonie ?

L’essor des data centers aurait pu être une opportunité industrielle maîtrisée, génératrice d’emplois et d’attractivité. Il risque aujourd’hui de devenir une contrainte imposée, dictée par l’appétit énergétique croissant d’acteurs mondiaux.

Si le gouvernement (national et régional wallon) ne fixe pas des règles fermes et claires, ce ne seront plus les citoyens, les collectivités locales ou le régulateur qui orienteront la politique énergétique et territoriale, mais les exigences (exponentielles) des infrastructures numériques privées.

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