Un appétit énergétique qui dépasse les prévisions
En 2024, les data centers belges ont consommé environ 3,2 TWh, soit 4 % de la
consommation nationale d’électricité, le double de la moyenne européenne.
Le rapport du BCG (firme de consulting) l’affirme : leurs besoins pourraient
tripler d’ici 2035. Si rien ne change, ces infrastructures représenteront
bientôt un dixième de la consommation du pays, peut-être même davantage avec
l’essor incontrôlé de l’intelligence artificielle.
Pourtant, la Belgique continue d’accorder permis et terrains comme s’il
s’agissait de simples entrepôts logistiques.
Les autorités, trop enthousiastes, pas assez vigilantes
Depuis quinze ans, les gouvernements successifs déroulent le tapis rouge à
Google, Microsoft et consorts : fiscalité stable, terrains bon marché, accès
privilégié au réseau. Résultat : un déséquilibre territorial marqué avec une
forte concentration des data centers en Flandre, mais la Wallonie entre
désormais dans la danse.
La Wallonie, nouvel eldorado numérique… et possible source de vulnérabilité
Mais l’énergie et l’environnement wallons risquent d’être mis à l’épreuve
Cette forte concentration en Wallonie pose des questions concrètes : le réseau
électrique régional pourra-t-il absorber l’afflux de consommation ? La gestion
de l’eau, déjà sollicitée à Saint-Ghislain, est-elle durable ? Peut-on
concilier expansion numérique et objectifs de transition énergétique ?
En
l’état, même si les permis accordés à Farciennes comportent des exigences
(énergie verte, refroidissement par air, panneaux solaires, mobilité douce pour
les employés…), ces engagements suscitent des doutes sérieux quant à leur
capacité réelle à neutraliser l’impact énergétique global.
De plus, l’arrivée de ces méga-infrastructures en Wallonie transforme la région
en un point central de pression sur les ressources, un rôle que peu avaient
anticipé jusqu’à présent, et qui pourrait rendre le territoire vulnérable à des
arbitrages difficiles entre développement économique et durabilité
environnementale.
Cette
logique attire le numérique, certes, mais sans bilan clair :
• Les emplois créés restent modestes comparés à l’ampleur des investissements
et bénéfices espérés.
• Les bénéfices fiscaux et économiques pour la région sont discutables,
notamment si l’on compare à la consommation réelle d’énergie et d’eau.
• L’impact énergétique et environnemental, lui, devient colossal.
Le pays, et tout particulièrement la Wallonie, semble avoir privilégié les annonces politiques à court terme au détriment d’une vision énergétique et écologique cohérente.
Un réseau électrique et environnemental wallon qui n’est peut-être pas prêt
La transition énergétique impose déjà des défis gigantesques : électrification
du chauffage, voitures électriques, réduction des émissions… Ajouter des
méga-infrastructures numériques dans cette équation sans redimensionner
sérieusement le réseau relève de la témérité.
Elia
et d’autres opérateurs alertent depuis plusieurs années sur les risques de
saturation, non seulement en Flandre ou autour de Bruxelles, mais aussi dans
les zones comme le Hainaut.
Dans le contexte wallon, ceci pourrait se traduire par des arbitrages
défavorables pour des projets industriels ou résidentiels, si l’énergie est
prioritairement allouée aux data centers.
Un modèle économique wallon à haut risque
Derrière l’expansion des data centers se cache un paradoxe :
Pour
couronner le tout, la promesse des géants du numérique - “création d’emplois”,
“relance économique” - apparaît peu crédible quand on sait que même des data
centers très volumineux emploient souvent un nombre réduit de personnes.
À l’heure où les pouvoirs publics demandent aux citoyens de consommer moins, de réduire leur chauffage ou de différer le chargement de leur véhicule, la consommation exponentielle des data centers, particulièrement en Wallonie, laisse un goût amer.
Des solutions briques après briques… mais sans vision globale
Quelques pistes émergent, mais aucune ne compense réellement l’absence d’une
stratégie globale et contraignante :
Sans cadre réglementaire ferme, les opérateurs numériques avancent selon leurs priorités — qui ne sont pas nécessairement celles du bien commun ou de l’intérêt énergétique national.
Le vrai enjeu : qui décide de l’avenir énergétique (et territorial) de la Wallonie ?
L’essor des data centers aurait pu être une opportunité industrielle maîtrisée,
génératrice d’emplois et d’attractivité. Il risque aujourd’hui de devenir une
contrainte imposée, dictée par l’appétit énergétique croissant d’acteurs
mondiaux.
Si
le gouvernement (national et régional wallon) ne fixe pas des règles fermes et
claires, ce ne seront plus les citoyens, les collectivités locales ou le
régulateur qui orienteront la politique énergétique et territoriale, mais les
exigences (exponentielles) des infrastructures numériques privées.