En début d’ouvrage et pour planter le décor, Pierre Madelin catégorise en
trois grands courants de pensée les accusations d’écofascisme :
- Sens
1 : les tenants de ce point de vue - nous en connaissons tous car il est
très répandu, voire majoritaire de nos jours - estiment que l’écologie pour peu
qu’elle remette en cause certains aspects du modèle économique productiviste
est par essence rétrograde et liberticide. L’argument habituel pourrait être
« on ne va pas revenir à la bougie ». Selon ces détracteurs de
l’écologie, la préservation de la planète se trouve assurément dans le progrès
technique et les mécanismes du marché qui vont permettre de découpler
croissance économique et impact environnemental.
- Sens
2 : ici, au contraire des critiques modernistes de l’écologie soi-disant
radicale, c’est le gigantisme industriel et la technocratie qui sont pointées
du doigts dans les années 60 et 70. La complexité de technologies comme le
nucléaire ou l’industrialisation de l’agriculture à grande échelle les placerait
en dehors de tout contrôle social et politique alors qu’elles représentent un
danger sans précédent pour l’environnement et la santé humaine. Même si ces
inquiétudes font l’objet d’une prise de conscience au niveau international notamment
grâce au rapport du Club de Rome sur « Les limites de la croissance »
paru en 1972 qui, sur base de modélisations mathématiques démontre qu’une
croissance exponentielle de l’économie et de la population se heurte
inévitablement à terme à la finitude de la planète. Il est à remarquer que ce
travail a été piloté par Aurelio Peccei, membre du conseil d’administration de
FIAT. Le danger réside donc ici dans la crainte du développement d’une
bureaucratie de la gestion écologique qui non seulement ne remette pas en
question le modèle capitaliste mais tende vers le totalitarisme.
- Sens 3 : nous nous plaçons ici aux Etats-Unis où s’est développé le courant de la deep ecology (écologie profonde) ou encore de l’éco-centrisme qui accorde à la nature une valeur intrinsèque qui seraient susceptible de lui donner une primauté sur le droit des êtres humains. Même si certains auteurs, tenants de cette conception, y voient une manière de réhabiliter, dans le même temps, les groupes humains qui ont fait l’objet d’une exploitation comme les peuples indigènes réduits en esclavages ou encore les femmes, la crainte de voir des populations sacrifiées à l’intérêt suprême de la nature n’en est pas moins présente pour d’autres.
Il ressort, en gros, de ces catégorisations que le risque fascisant de l’écologie qui résulte surtout des sens 2 et 3 est celui, soit d’une dépossession des citoyens de tout moyen de contrôle démocratique au profit des plus puissants (sens 2), soit d’une stigmatisation de certains groupes humains qui seraient potentiellement « sacrifiés » pour une survie de la planète (sens 3).
Dans la seconde partie du livre, l’auteur s’attache à retracer l’histoire
de l’écofascisme à travers une analyse du nazisme, du fascisme italien et de la
France de Vichy où l’on voit finalement que ces différentes idéologies, après
avoir glorifié le lien entre le terroir et la pureté du sang des peuples qui
l’occupent, seuls capables, selon ces régimes, de protéger la nature
contrairement aux peuples dits « nomades » accusés de tous les maux, n'ont
fait finalement que peu de cas de la préservation de l’environnement qui a été
sacrifiée aux objectifs de l’industrialisation et la puissance militaire.
Enfin, dans la troisième partie de l’ouvrage, sur base des deux premières
parties du livre, Pierre Madelin analyse en profondeur le discours actuel de
l’extrême-droite par rapport à l’écologie en France et aux Etats-Unis dans
lesquels en fin de compte, il ressort que la cause de tous les problèmes serait
supposément liée à la démographie galopante des pays du sud et à l’immigration
en lien avec la capacité de charge de la planète.
Certains passages interpellent tout particulièrement par rapport à
l’actualité quand il cite, par exemple, Madison Grant (1865 - 1937) idéologue
raciste excédé par les immigrants italiens qui chassaient les écureuils et les
oiseaux dans les parcs de New-York pour s’en nourrir. Ça ne vous rappelle
rien : « …they ‘re eating the dogs, they ‘re eating the cats… » à
propos des immigrants haïtiens aux Etats-Unis ?
Il s’attache également à montrer le tournant idéologique et le tour de
passe-passe de la nouvelle droite[1]
en France qui prenant ses distances avec la religion chrétienne accusée d’anthropocentrisme
et de prosélytisme universaliste, ainsi qu’avec le capitalisme pour revêtit un
discours de décroissance, pourrait, à première vue, séduire plus d’un
écologiste. Qui plus est, dans la logique anticapitaliste dont se revêt la
nouvelle droite, on retrouve de manière assez cynique la défense de la
diversité ethnique, au nom du droit des civilisations à rester elles-mêmes mais
pour en finir par défendre sous ce prétexte la préservation de l’identité et la
pureté de la civilisation européenne.
[1] « Nouvelle
Droite » est l'appellation médiatique d'un courant de pensée intellectuel
et politique français né à la fin des années 1960, notamment en réaction aux
événements de Mai 1968, et qui s'est développé dans les années 1970
autour du Groupement de
recherche et d'études pour la civilisation européenne (GRECE).