Taxe carbone européenne, le marché encore et toujours!

Afin d’atteindre les objectifs climatiques définis par le paquet législatif « Fit for 55 », à savoir une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % en 2030 et la neutralité carbone en 2050, l’Union européenne va mettre en place un nouveau dispositif, intitulé ETS2.

Celui-ci s’apparente à une taxe carbone et s’appliquera aux combustibles fossiles utilisés par le chauffage des bâtiments et la mobilité. 

La nouvelle taxe qui impactera la facture énergétique des ménages devrait entrer en vigueur en 2027. Si les prix de l’énergie se révèlent excessivement hauts à cette période, elle sera reportée à 2028.

Elle devrait s’élever à 45 euros/tonne de CO2 en 2030. Concrètement, cela signifie qu’en moyenne, le prix du diesel augmentera de 0,12 euro/l, celui de l’essence de 0,10 euro/l, celui du mazout de 0,12 euro/l et celui du gaz naturel de 0,89 euro/Kwh.

Comment ça marche ?

Le système est basé sur une approche de marché. Un plafond d’émissions est fixé pour chaque État membre, qui va en diminuant d’année en année en cohérence avec le renforcement progressif des objectifs climatiques.

Si la limite d’émissions est dépassée, l’État membre concerné doit acheter des quotas d’émissions sur le marché du carbone, faisant ainsi augmenter le prix de l’énergie.

Néanmoins, si le prix du carbone devait dépasser les 45 euros/tonne de CO2, des quotas supplémentaires seraient octroyés.

Mais à quoi ça sert ?

Pas à grand-chose en fait… En effet, les augmentations de prix attendues ne sont pas de nature à engendrer des modifications de comportements ou des décisions d’investissements significatives, ceci d’autant plus que le prix de l’énergie varie en fonction de multiples facteurs tels que le prix de la molécule sur les marchés internationaux, le coût du transport et de la distribution, le niveau des accises… L’hiver 2022-2023 en a été un bon exemple avec la crise ukrainienne.

Sans une approche réglementaire visant le renforcement des normes combinées à des investissements publics massifs offrant des alternatives à un prix abordable, particulièrement aux publics les plus impactés, à savoir les plus défavorisés, la taxe carbone est inefficace.

 Le Fonds Social Climat

Pour ces raisons, un Fonds Social Climat sera mis en place dès 2026, soit un an avant la mise en œuvre de la taxe afin de permettre d’anticiper sur les rénovations et autres investissements visant à sortir les ménages de la précarité énergétique et réduire leurs dépenses de transport.

Ce fonds sera alimenté par un quart des recettes issues de l’ETS2, ce qui représente pour la Belgique 1,66 milliard d’euros sur la période 2026-2032.

L’utilisation de ces moyens devra être encadrée par l’adoption d’un plan social climat à communiquer à la Commission pour juin 2025 et qui sera soumis à enquête publique.

Un co-financement national de 25 % sera également requis, ce qui amènera les moyens disponibles à environ 2 milliards d’euros.

Les revenus restant seront redistribués entre les États membres en fonction de leur part dans les émissions. Elles devront être utilisées pour poursuivre quatre objectifs :

  • la décarbonation des systèmes de chauffage et de climatisation ;
  • le soutien aux ménages les plus précarisés vivant dans des passoires énergétiques ;
  • l’accélération de l’introduction des véhicules zéro-émission et le déploiement de l’infrastructure de recharge ;
  • l’encouragement au passage de la voiture individuelle aux transports publics, la multimodalité et le soutien financier aux usagers à plus faibles revenus.

Que faut-il en penser ?

En Wallonie, 28,8 % des ménages souffrent de précarité énergétique en raison de la vétusté de leur logement ou de revenus trop faibles au regard du prix de l’énergie.

Même si les moyens disponibles permettraient théoriquement une redistribution équitable des recettes de la taxe, il s’agit d’être vigilant à ce que les mesures envisagées via le Fonds Social Climat soient correctement ciblées et réellement efficaces à moyen et long terme, ce qui est difficile compte tenu de la diversité des profils de ménages et des situations. À titre d’exemple, les efforts de rénovation ne doivent pas déboucher sur une hausse des loyers qui exclurait un nombre conséquent de personnes de l’accès au logement.

Un autre danger est le non-recours aux aides qui représente en Wallonie une problématique récurrente et qui touche selon les estimations 30 % de la population qui serait concernée, du fait d’un manque d’information, de la complexité administrative, de l’inadéquation des mesures proposées par rapport aux réalités des ménages…

L’élaboration du futur plan social climat représente donc un enjeu majeur afin qu’il soit conçu de telle manière à permettre la mise en œuvre d’une transition énergétique qui aille de pair avec une amélioration de la situation sociale, sans quoi elle risque bien d’être vouée à l’échec.

Des investissements publics massifs sont nécessaires notamment au niveau des transports et du parc de logements publics mais aussi de la rénovation par quartier.

Par ailleurs, il serait important également que les moyens du Fonds Social Climat puissent être utilisés pour la création d’emplois durables et de qualité dans tous les secteurs d’activités liés à la transition.

Enfin, les moyens nécessaires pourraient être dégagés autrement que via une taxe carbone. La lutte contre l’évasion fiscale, la création d’une banque européenne pour le climat, la mobilisation de l’épargne ou une réforme de la fiscalité sont des propositions qui ont déjà fait l’objet de nombreux débats. Pour mémoire, en 2020, 383 milliards d’euros ont été envoyés par 765 entreprises belges dans une trentaine de paradis fiscaux en 2020 de façon légale.