J’ai lu pour vous : « Exploiter les vivants. Une écologie politique du travail. » de Paul Guillibert (Editions Amsterdam)


Cet ouvrage très dense s’attache à faire le lien entre l’exploitation des travailleurs et des ressources de l’environnement quelles qu’elles soient (animaux, végétaux et minéraux) jusqu’à épuisement par la logique capitaliste et ce, dans une perspective historique et d’inspiration marxiste. Il intègre dans son analyse la division internationale du travail via la colonisation sans laquelle l’Occident n’aurait jamais pu réaliser la révolution industrielle, ni atteindre le niveau de consommation que nous connaissons.

Dans une seconde partie, il revisite le concept de transition juste qui, tel que décliné par les institutions internationales et une certaine vision syndicale, ne serait qu’une manière de perpétuer le système tout en rassurant sur le fait que la transition écologique ne sera pas payée par les plus pauvres.

« Construire des voitures électriques avec des batteries au lithium suppose toujours d’exploiter le travail salarié et de saccager des environnements naturels pour prélever des ressources. »

Pour l’auteur, il est impossible de parvenir à résoudre la crise écologique en produisant toujours plus, d’où l’importance de la réduction collective du temps de travail, sans perte de salaire notamment, qui se fonderait sur une moindre part de la valeur ajoutée accordée au capital par rapport au travail ou sur le développement des « Communs ».

Il termine sur la déconstruction des liens entre une certaine vision de l’écologie politique et les politiques migratoires.

Parmi les réflexions intéressantes, citons la question de la technologie qui serait, selon l’auteur, un déterminant de l’évolution des relations sociales et des modes d’exploitation de la nature. A titre d’exemple, la machine à vapeur aurait remplacé les moulins à eau pour des raisons inhérentes, d’une part, à sa simplicité technique et à la régularité de la production, d’autre part, pour permettre de fixer la population ouvrière en ville et discipliner plus facilement les travailleurs.

Une autre analyse intéressante porte sur la mise au travail des animaux tels que les chevaux, les vaches laitières ou, dans une moindre mesure, les chiens d’aveugle qui doivent montrer un intérêt pour leur tâche. Dans ce premier (?) cas de figure, on constate que les concepteurs de machines à traire doivent concevoir des machines qui empêchent la rébellion des animaux qui sont parfois exploités au-delà de toutes leurs limites physiologiques.

Les plantes sont logées à la même enseigne avec comme point culminant la modification génétique du vivant, ainsi que l’exploitation des ressources minérales.

Enfin, l’auteur étudie la place des mécanismes de régénération des corps et des écosystèmes. Au même titre que l’exploitation de la nature, il met en lumière le travail de reproduction, traditionnellement dévolu aux femmes et son appropriation gratuite au service du productivisme.

 

Bonne lecture !

 


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